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Sécurité au travail : les petits inconvénients de l’autorité
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par Philippe Dylewski
L’expérience suivante est encore plus terrifiante que celle de Milgram sur la soumission à l’autorité. D’une part parce qu’elle se déroule dans un milieu professionnel réel et pas un laboratoire, et d’autre part, parce que le taux de soumission y est encore beaucoup plus important.
Les 22 sujets de l’expérience sont des infirmières d’un hôpital. Un soi-disant médecin nommé « Smith » appelle les infirmières par téléphone et leur demande d’administrer 20 mg d’un médicament (Astroten) à un patient. Cette prescription ne pouvait être recevable pour les raisons suivantes:
• Les prescriptions par téléphone étaient strictement interdites
• Le médecin était inconnu des infirmières puisqu’ aucun docteur Smith ne travaillait effectivement au sein de l’hôpital
• L’usage de l’Astroten n’était pas autorisé puisque le médicament était en phase de test
• Enfin, la dose prescrite était trop élevée, il était explicitement indiqué sur le flacon que la dose journalière ne pouvait excéder 10mg.
Les résultats sont les suivants: 21 des 22 infirmières se sont exécutées et ont administré le médicament au patient. Bien entendu, ce qu’elles ont injecté n’était pas de l’Astroten. Ce qui représente un taux d’acceptation de 95 %, bien au-delà des résultats obtenus par Milgram. Et nous sommes ici dans un cas de pleine conscience. L’infirmière SAIT que la dose qu’elle va injecter est très dangereuse, voire mortelle. Elle obéit car l’autorité du Docteur Smith est suffisante pour la placer dans un état « agentique », ce qui veut dire qu’elle sait que ce qu’elle fait est contraire à toutes les règles, mais qu’elle abandonne son statut de personne pensante au profit d’une personne, dépendant et agissant en fonction de l’autorité considérée comme légitime d’une autre personne.
Vous vous dites que vous, vous ne l’auriez jamais fait, qu’en aucune circonstance vous n’auriez injecté cette dose mortelle. C’est exactement ce qu’on dit TOUS les élèves d’une école d’infirmières à qui on demandait ce qu’ils/elles feraient dans les mêmes circonstances. Preuve s’il en faut qu’il y a une différence de taille entre ce que la plupart des gens pensent et ce qu’ils font dans la pratique.
Nous sommes nombreux à penser que nous sommes des rebelles, insensibles aux influences. C’est vrai en paroles, beaucoup moins en action. La morale de l’histoire pour la sécurité au travail, c’est que l’autorité stricte amène à la stricte soumission et à son lot de comportements incroyablement idiots et dangereux.