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Profil psycho-social de l’accidenté
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par Philippe Dylewski
Vous encodez une série de données sur le profil de Madame Juliard, gestionnaire de stock au bâtiment C. Traits de personnalité. Niveau scolaire. Niveau de stress conformément à l’échelle de stress en vigueur dans votre société, qui comprend autant les éléments professionnels que privés. Problèmes de santé physiques et mentaux. Qualité du sommeil. Nombre d’années d’expériences. Consommation de stupéfiants ou d’alcool. Antécédents d’accidents. Enfin, vous tapez sur « enter » et une alarme retentit. Madame Juliard a 88% de chances d’être victime d’un accident de travail dans les 12 mois à venir. Au-delà de 40%, le sujet, pardon, le salarié, doit être retiré de son poste avec effet immédiat.
Puis, vous vous réveillez de votre micro-sieste et, un peu honteux, vous vous demandez si une procédure comme celle-là serait un cauchemar ou un authentique bonheur ?
Car quand même, anticiper la catastrophe, ce serait génial, non ? Mais, est-ce possible ?
Au cours des dernières décennies, les chercheurs ont commencé à se concentrer sur l’aspect comportemental de la performance en matière de sécurité. En d’autres termes, ils ont essayé de trouver des facteurs de personnalité qui expliqueraient pourquoi Alain est tombé du toit et pourquoi Clara est bloquée du dos depuis trois mois, parce que tout le monde le sait, travailler en maison de repos est un merveilleux métier de communication et pas du tout une activité de forçat qui consiste à soulever trois tonnes d’humain sur la journée.
Les résultats sont nuls, ou à peu près. Et pourtant, ce sont des centaines de recherches qui se sont penchées sur les facteurs de personnalité corrélés aux accidents de travail. Certaines études trouvent un rapport léger avec certains traits de personnalité, d’autres disent le contraire. Parce que même quand il y a une corrélation positive, elle est tellement mineure qu’elle ne peut pas servir de prédicteur à grande échelle.
Oui, on a remarqué qu’il y avait un lien entre les personnes ayant un haut niveau de conformité sociale et le respect des règles de sécurité. Il est possible de le mesurer. Mais en réalité, c’est impossible à mettre en pratique car dès que votre syndicat local apprendra que vous ne recrutez que les profils les plus conformes, ils douteront très très fort que vos motivations soient uniquement liées à la sécurité et je vous laisse imaginer la suite.
On peut aussi prévoir que recruter une personne ayant des problèmes d’attention n’est pas une très bonne idée pour un poste qui requiert de poser une olive verte, une olive noire comme garniture de pizza. Les troubles de l’attention peuvent assez facilement être mesurés. Mais ça n’est réellement intéressant que pour les jobs très répétitifs. Pour un technicien de maintenance qui doit se débrouiller pour réparer des pannes, ça aura moins de sens. Par ailleurs, quelqu’un peut très bien réussir vos tests d’attention et se révéler fort distrait car la distraction peut avoir diverses origines. Mais c’est clair que ne pas engager quelqu’un incapable de se concentrer plus de huit secondes sur une tâche sera déjà un bon début.
Je vous épargne la longue liste des facteurs de personnalité SANS lien avec la sécurité au travail. Mais en gros, on peut dire que la personnalité est un très mauvais facteur de prédiction en ce qui concerne la sécurité.